Interview.
En séjour de travail à Brazzaville - lors de la réalisation et la production d’un concert et spectacle du griot congolais Ardos MASSAMBA - Chrysogone DIAGOUAYA danseur, chorégraphe et « producteur » a bien voulu nous accorder cette interview.
Tièsèse: Bonjour Chrysogone Diangouaya! Est-ce que tu peux faire une brève présentation de toi-même ?
Chrysogone Diangouaya : Bonjour! Je suis Chrysogone Diangouaya, je suis danseur chorégraphe et actuellement, je viens d’ajouter à mon statut d’artiste, celui de producteur de temps en temps…
T: Tu te lances dans la carrière de production ou tu es seulement producteur de temps en temps ?
C.D.: En fait j’ai d’abord le statut d’intermittent, parce qu’en Europe on doit avoir un statut, et je me suis mis dans ma propre boite en créant une entreprise individuelle avec laquelle je peux produire et diffuser des œuvres artistiques…
T: Et comment elle s’appelle cette structure? Et elle est domiciliée où?
C.D.: Elle se dénomme CD Production. C’est est une entreprise individuelle, elle est nominative. C et D étant les initiales de mon prénom et de mon nom. CD Production est domiciliée en France.
T.: Mais c’est autre chose qui était écrit sur la banderole annonçant le concert de Ardos Massamba…
C. D.: Par rapport à ce spectacle du 12/09/2009, nous avions une structure à Brazzaville « L’association des jeunes créateurs » qui s’en occupe; j’ai accepté de produire Ardos Massamba en sachant que moi-même je suis artiste et j’ai la sensibilité de l’art ; je ne suis pas un commerçant comme certains producteurs qu’on voit sur la place.
Donc je collabore avec « L’association des jeunes créateurs » ici … et ma boite de production qui est en France, parce que je suis aussi dans l’optique de créer un festival d’art africain et d’ailleurs à Paris.
T.: Alors, parlez nous de ce qu’a été votre séjour à Brazzaville, notamment sur ce spectacle de Ardos Massamba que vous aviez produit dernièrement.
C.D.: Bien qu’étant citoyen du Congo, je remarque qu’au fur et à mesure que le temps passe, on continue d’amasser beaucoup de difficultés, il n’y a pas de soutien. Pour cette prestation, il y a Jean Jacques YOMBI OPANGAULT qui a essayé de nous aider financièrement pour la location de la salle de spectacle du CCF de Brazzaville, mais pour le reste, on est obligé de se débrouiller nous mêmes: il n y a pas une structure qui nous a sponsorisé.
T.: En bref qu’est ce que c’est que ce spectacle de Ardos Massamba?
C.D.: Bien que je suis danseur chorégraphe, j’ai aussi une autre sensibilité en tant qu’artiste. J’ai connu Ardos Massamba en tant que griot, et là j’ai vu comment il a évolué et je pense que sa première œuvre, son album qui est sur le marché méritait d’être beaucoup publié et c’est pas bien médiatisé: voilà pourquoi je suis venu à sa rencontre pour qu’on essaie de travailler sur la thématique de ses chansons, que je peux dire engagée; Secundo, la vision que je donne en tant que producteur c’est une autre vision: c’est pas le producteur qui regarde comme ça, mais c’est un producteur qui essaie de mettre la main dans la patte. Donc je mets en action mes capacités de metteur en scène et de chorégraphe. Du coup les gens qui avaient l’habitude de voir Ardos, étaient surpris par ce que ce n’était pas un simple concert, mais un grand spectacle où Ardos s’est produit avec 14 danseurs et 8 musiciens. Ces derniers ont travaillé sur son répertoire et ça n’a pas été seulement des chansons, mais aussi de la danse et de la musique. Tout cela a été une fusion où les gens ne sont pas seulement venus voir l’artiste seul mais l’artiste entouré des autres artistes qui l’ont soutenu dans, le mystère de perception de l’art congolais.
T.: Si je comprends bien, il y a eu un engagement qui a fait que vous n’étiez pas seulement producteur mais aussi chorégraphe de ce spectacle, il me semble.
C. D.: Oui. Évidemment j’ai monté les chorégraphies en fonction des chansons de son répertoire qu’il a joué. Donc j’avais écouté la thématique et j’ai essayé de composer et surtout j’ai essayé de former quelques danseurs en deux semaines et demi: les gens vont dire que ce n’est pas possible. Bon j’ai voulu un peu mettre l’impossible au possible, donc il y a eu une bonne partie des danseurs qu’on a découvert sur scène qui n’ont jamais dansé, mais qui sont amoureux des morceaux, chansons de Ardos Massamba. A travers toutes ces énergies, j’ai travaillé une énergie chorégraphique pour canaliser et essayer de partager avec le public le bonheur qu’on peut donner sur scène.
T.: Il me semble qu’il n y a pas beaucoup de congolais qui se lance dans une aventure telle que tu es entrain de le faire ?
C.D.: T’a raison… mais je pense que les gens me font confiance, et quand je dis que je n’ai pas d’argent, on met la main dans la pâte et on fait avec. Secundo je n’ai pas eu encore la chance d’avoir des subventions ici comme à l’extérieur. Quand je viens c’est l’occasion de partager ce que j’ai appris là bas. Les danseurs qui ont travaillé sur ce spectacle savent qu’ils ont appris quelque chose, Ardos aussi a appris quelque choses et moi-même en donnant j’apprends quelque chose parce que je sais que « seul l’amour connaît le secret de s’enrichir en donnant ».
T.: Tu es un artiste de talent, reconnu depuis plusieurs années au Congo, en France comme ailleurs dans le monde entier. On te voit à travers ton festival « Mabina Danse » qui existe depuis longtemps au pays et des gens que tu y ramène pour découvrir les richesses de notre culture : c’est quand même immense tout ça. Comment expliques tu que tu n’arrive pas à décrocher des subventions sur le plan national qu’international ?
C. D. : C’est très difficile. Nul n’est prophète chez soi. Au niveau de Brazzaville, les gens ne vont pas dire qu’ils ne me connaissent pas. J’envois mes dossiers aux autorités, aux organisations pour leur demander de l’aide, mais c’est vain. Par contre au niveau des États-Unis ou de la France je jouis d’une bonne considération… Du coup je ne veux pas forcer les choses… Je vais essayer de renverser l’échelle des valeurs en ramenant ces gens qui croient en moi ici au pays pour qu’on sache que ce que je fais a une valeur. Tout au long de mon parcours en dehors de mon pays, j’ai appris, j’ai la fierté d’être ce que je suis et de me battre, d’arriver jusqu’au point de valoriser cette danse qui est la danse congolaise.
T.: Tu parles d’une grande perspectives, en plus à Paris, pas dans n’importe quelle ville du monde, de l’organisation prochaine d’un festival des arts et de la culture africaine, dis nous quelques mots à propos.
C.D.: Ayant remarqué qu’au Congo que ça ne marche pas, je suis toujours là à forcer les choses… et comme j’aime l’art j’ai donc crée un autre festival à Paris. Qu’est ce que j’ai fait ? J’ai crée un collectif des associations et en tant que producteur je ne fais que les chapeauter. J’ai parlé à des amis qui sont très sensibles et qui ont accepté cette idée de collaborer. Alors au lieu de restreindre la thématique du festival, j’ai essayé de l’élargir en n’essayant pas de limiter le contexte uniquement au Congo. Du coup il y aura des Antillais qui seront là, des Français, évidemment des Congolais dont Ardos Massamba, Chao de Kingoli que je vais aussi inviter… Du coup je me retrouve dans une situation où je suis très content, parce qu’il y a des gens qui vont m’aider, il y a même des écoles qui sont partant pour être partenaires… Il y aura des peintres, des sculpteurs, des danseurs, des musiciens, des slameurs… ça fait un gros paquet. Et là, quand je suis entrain de préparer l’organisation de la première édition, tout le monde qui a bien compris les objectifs, veut me soutenir et participer : il y a même des bénévoles telle que Martine qui est une grande conteuse et metteur en scène de Lyon, qui va se déplacer et venir, j’ai un ami musicien américain qui vient jouer gratuitement… Il y a l’affluence maintenant. Bien que j’ai bouclé il y a des gens qui continuent de solliciter. Puis je me dis, si ça marche, je vais voir ce que les autorités et sponsors d’ici vont devoir apporter. Sinon je vais me consacrer au niveau de la France.
T: Ça sera une première édition, ce festival ?
C. D.: Absolument. Le nom du festival c’est « KA BAA », qui veut dire partager, le KA c’est comme le tambour guadeloupéen, le BAA c’est le palmier mais aussi le verbe « être ».
T.: Ça se passe en quelle période, en quel mois ?
C. D. : Ça se passe tout le mois d’avril et de mai 2010 soit pendant deux mois. J’appelle cela un festival itinérant. Il y aura par exemple des peintres qui vont exposer pendant un mois ou deux, et des danseurs qui vont aussi travailler avec ces peintres, qui vont faire si possible des spectacles autours des expositions de peinture. On ne jouera pas tous les jours. Par semaine il y aura au moins quatre spectacles ou prestations, il y aura des stages et formations en danse et de chants, des ateliers de contes… Comme on sera vraiment nombreux, on veut donner la possibilité à tout le monde de s’exprimer… Et puis ça touche tous les milieux, les activités auront lieu dans les écoles, dans des lieux de spectacles comme en plein air...
T.: Pour clore, est ce que tu as quelque chose à dire aux artistes congolais, comme à ceux du monde entier ?
C.D.: Dans l’art on ne peut jamais atteindre la perfection, pour ceux qui croient il faut aller de l’avant, avancer car tout un chacun est le carrefour de l’autre. On doit persévérer et se donner des coups de mains pour avancer.
Mue M’PUATI Luemba