La troupe congolaise Zenga Zenga présente l’Ogrelet au 2ème Fita
Défier les lois de la nature pour un monde meilleur
Le Congo Brazzaville était présent au 2ème Festival international du théâtre d’Alger (Fita), à travers la représentation de la pièce l’Ogrelet de la troupe Zenga Zenga, à la salle Hadj Omar.D’après le texte écrit par la Canadienne Suzanne Lebeau, l’Ogrelet est mis en scène par le Congolais George M’Boussy qui souligne à propos de la pièce : «C’est l’histoire d’un enfant qui défie les lois de l’hérédité : on hérite des parents, leur vécu mais aussi leurs interdits. Et l’interdit fondamental dans cette famille est de ne pas aller au-delà des croyances et des acquis qu’ils avaient. L’enfant qui va naître va aller au-delà de ces acquis, en quête de sérénité, quitte à se brûler les ailes». Sur scène, les spectateurs découvrent le décor illustrant l’intérieur d’une hutte africaine, ainsi que d’autres éléments scéniques qui les invitent à un voyage au cœur de l’Afrique.La pièce relate l’histoire du petit Simon, enfant de six ans trop grand pour son âge, couvé par sa mère qui le protège depuis sa naissance du terrible secret de sa filiation. Elle le nourrit de légumes du potager qu’elle cultive elle-même, lui évitant toute consommation de chair fraîche et même la vue du sang.Mais vint le jour où Simon doit entrer à l’école et côtoyer les autres enfants du village. Adopté par la maîtresse qui apprécie ses qualités de bon élève, l’enfant va peu à peu être rattrapé par sa véritable nature suite à la vue de la couleur rouge omniprésente qui le fascine et surtout à un incident qui lui fait découvrir le goût du sang. Retrouvant son instinct de dévoreur de chair, il est amené à dévorer un lièvre dans la forêt. Suite à cela, sa mère désemparée, lui révèle la vérité sur la nature de son père qui était un ogre ayant préféré fuir la maison lorsqu’elle était enceinte, afin qu’il puisse survivre, car le père n’avait pas pu résister à sa nature et avait dévoré ses six premières petites filles.Elle lui apprend aussi que pour briser la malédiction du sang, il fallait qu’il passe par trois épreuves dont l’ultime est celle de résister pendant
28 jours, dans une
cachette, avec un enfant sans le dévorer. Mais personne avant lui
n’avait réussi à sortir vainqueur de ces épreuves. Simon s’enfuit alors
dans la sombre forêt emportant avec lui sa camarade de classe préférée,
Pamela. Au final, il réussira à vaincre les épreuves et peut alors
retourner à l’école et vivre son enfance auprès de ses camarades en
toute quiétude. Le public a fortement applaudi la pertinence de la mise
en scène de ce conte initiatique, basé sur les mécanismes de l’art du
griot à travers notamment l’invitation à suivre le vécu du parcours des
personnages, ponctué de chants et de danses. L’assistance public a
également salué les talentueux comédiens Selma Mayala, dans le rôle du
fils et Laure Bandoki dans celui de la mère, qui ont réussi à incarner
avec brio l’évolution des caractères de leurs personnages, tout en
gratifiant le public de joyeux pas de danse et de chants poignants. Le
père perdu, le père absent était incarné par Georges M’Boussy à travers
de courtes apparitions où sa voix grave mettait en exergue la tragique
situation de sa nature. Au final, la pièce aborde à travers le
mécanisme de la parabole, des questions actuelles qui sont posées dans
les majorités des pays africains victimes de violence, fruit d’un passé
meurtri. Pour aller au-delà de cette tragédie et construire une
génération sereine, il est peut-être important de défier les lois de la
fatalité. Pour cela, il faudrait avoir le courage d’affronter le poids
du vécu des aïeux, pour préserver l’espoir de se projeter dans un
avenir meilleur. Celui où disparaît la peur des ténèbres qui sommeille
au fond de l’être, cette violence latente héritée du traumatisme des
stigmates subis par les générations précédentes, marquant au fer rouge
l’histoire des Africains. Une Afrique qui puisse transcender son passé
pour construire un présent serein et vivre un avenir meilleur. Au
final, le véritable défi est d’oser affronter en face les blessures de
l’histoire, au-delà du vécu de ses prédécesseurs, au-delà de la
fatalité des convictions empreintes de préjugés pour pouvoir vivre
pleinement une vie sans peur
de l’autre et sans sang qui coule, au milieu des éclats de rire d’enfants à l’innocence retrouvée.
S. A